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Album «Exciter» Pour «Exciter», Depeche Mode a fait appel à Mark Bell, producteur de l'album Homogenic de Björk. (DR)

 
Depeche Mode
tente l'ouverture

Après 4 ans d'absence, le groupe anglais revient au devant de la scène en sortant un nouvel album. Avec «Exciter», le trio change de son et de ton. Les chansons restent signées Martin Gore mais semblent mieux interprétées. Le chanteur Dave Gahan a travaillé sa voix, devenue plus sensuelle et intime.


Bertrand Dicale
Publié le 22 mai 2001


«Nous sommes un groupe pop, ce qui veut dire que dans notre vie commune, il y a 20% de création et 80% de n'importe quoi.» Dave Gahan ne s'est jamais embarrassé de la langue de bois aimable et ravie des stars internationales. Entre pieds dans le plat et cheveu sur la soupe, ses déclarations à la désarmante - et vénéneuse - franchise font le bonheur de la presse rock anglo-saxonne depuis une bonne vingtaine d'années. Depeche Mode sort Exciter (chez Mute-Labels) et le chanteur du trio anglais lâche avec un sourire serein de franches rudesses pour ses camarades, à commencer par Martin Gore, auteur-compositeur de tout le répertoire de Depeche Mode. D'ailleurs, on se demande bien pourquoi une telle situation. Même Ringo Starr, le batteur des Beatles, arrivait à placer des compositions personnelles sur les disques de son groupe. Mais jamais Dave Gahan, pourtant chanteur et personnalité la plus en vue de Depeche Mode, n'y est arrivé.

«Pour Ultra, notre précédent album, j'ai écrit une chanson. Mais finalement on m'a dit qu'elle n'allait pas avec le propos général de l'album - ce que j'ai pris pour une grave insulte. Mais, au lieu de me battre, j'ai laissé tomber.» Sur Exciter, on n'entend toujours pas de composition de Dave Gahan, mais sa voix donne toujours une chaleur presque incongrue aux chansons froidement cliniques de Martin Gore. Articulation claire, sensuelle, ouverte, timbre précis, chant volontiers intime : on verrait facilement Dave Gahan en chanteur de soul blanche, en crooner moderne, quelque part entre Bono et Michael Bolton. «Je me bats pour apporter de la chaleur à un arrière-plan très froid, pour mettre de la couleur sur une toile vierge.» Ce à quoi il parvient encore mieux aujourd'hui qu'il y a quelques lustres, quand Depeche Mode étalait sur la planète des dancefloors, ses rythmiques frénétiques et gelées, ses angoisses sidérées et son catéchisme sentimental très vaguement désespéré.

Pour cet album, Depeche Mode a fait appel à Mark Bell, producteur, entre autres, des disques Homogenic et Selmasongs de Björk. Allié objectif du chanteur, il a essayé d'élargir le son du groupe : «Il voulait mettre plus de vie dans les mélodies et dans ma voix, dit Dave Gahan. Parfois, il nous faisait asseoir dans une pièce, brancher une guitare et jouer - pour voir ce qui en sortait. Depuis nos débuts, nous avions rarement fait cela. Souvent, en studio, nous nous limitions nous-mêmes.» Rendus à une sorte d'exigence de spontanéité et d'ouverture, Depeche Mode a enregistré un disque curieux, qui ressemble à un best of uniquement composé de chansons nouvelles: «Chacune des chansons aurait très bien pu figurer sur un album précédent de Depeche Mode. Cela fait tellement longtemps que nous travaillons ensemble que nous retrouvons naturellement les choses, des années après. Je sens une pression pour emmener les chansons ailleurs, pour les ouvrir encore plus. C'est ce que nous avons fait avec When the Body Speaks ou Goodnight Lovers, dans lesquelles on sent des feelings des années 50, du doo wop, quelque chose de bluesy. J'aimerais aller plus loin dans cette direction. Je ne sais pas si ce sera avec Depeche Mode.»

Hum, hum... Un projet en solo ? «Absolument. Vous savez, entre la tournée Singles et l'écriture de cet album, il s'est passé beaucoup de temps. A New York, où j'habite, j'ai eu beaucoup d'idées avec un copain qui joue du violoncelle, de la guitare et qui mixe toutes sortes de sons. Nous avons enregistré des démos et, l'année prochaine, je vais travailler à mon album solo.» Résurrection d'un chanteur. La drogue et l'écrasante gloire de Depeche Mode ont failli faire sombrer Dave Gahan, qui aujourd'hui avoue s'être reconstruit: «Ma vie est très différente, maintenant. Je me lève tôt le matin, j'amène mon fils à l'école, puis je fais de la gym, je cours cinq ou six miles, je fais des exercices vocaux.»

Le bonheur par la discipline ? «Et la liberté aussi. Je suis mieux ainsi qu'à rester assis et me demander ce que je pourrais faire. Ça a l'air simple mais quand vous êtes musicien et que vous avez un peu de succès, vous avez tellement de liberté que vous devenez fou si vous n'avez pas un peu de discipline.» Et l'avenir de Depeche Mode ? «Les conflits d'ego. Être proches de la séparation et en même temps devoir faire des choses ensemble... Je ne me sens plus solide, plus à l'aise pour apporter une attitude, un caractère, quelque chose qui fasse qu'on puisse identifier notre musique - ma voix. Je crois avoir une place dans Depeche Mode.»

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Concerts en France : le 25 septembre à Amnéville, les 9 et 10 octobre à Paris-Bercy, le 23 à Lyon.